Euthanasie, suicide assisté, sédation : quelle différence ?

Alors que le projet de loi sur la fin de vie est discuté à l’Assemblée nationale, retour sur les nuances entre les différentes "aides à mourir".

En France, ni l’euthanasie, ni le suicide assisté ne sont autorisés. La loi permet uniquement la sédation profonde (image d’illustration : Getty images)
En France, ni l’euthanasie, ni le suicide assisté ne sont autorisés. La loi permet uniquement la sédation profonde (image d’illustration : Getty images)

Depuis ce lundi 22 avril, les députés observent le projet de loi sur la fin de vie et ils comptent bien prendre leur temps. "Avec ce texte, on regarde la mort en face", avait confié Emmanuel Macron dans un entretien à La Croix et Libération en mars. "Cette loi de fraternité permet de choisir le moindre mal quand la mort est déjà là", ajoutait-il.

Car les conditions pour y avoir recours seront strictes : être majeur, français ou résident français, avoir une affection grave et incurable avec un pronostic vital engagé, présenter "une souffrance physique ou psychologique réfractaire ou insupportable liée à cette affection" et, enfin, "être en capacité de manifester sa volonté de façon libre et éclairée" (ce qui exclue les malades atteints d’Alzheimer, par exemple).

Mais que prévoit la loi pour "aider" le patient à mourir ? Quelles sont les différences entre euthanasie et suicide assisté ?

Le texte est très précis sur sa définition de "l'aide à mourir" - c’est le terme choisi par Emmanuel Macron, qui refuse de parler "d’euthanasie" ou de "suicide assisté". Il s’agirait de "l’administration d’une substance létale, effectuée par la personne elle-même ou, lorsque celle-ci n’est pas en mesure physiquement d’y procéder, par un médecin, un infirmier ou une personne volontaire qu’elle désigne".

En d’autres termes, même si le mot n'est pas cité : un suicide assisté, dans des conditions encadrées. Après avoir consulté d’autres soignants, c’est un médecin qui tranchera dans un délai de quinze jours pour savoir si oui ou non, "l’aide à mourir" sera apportée au malade. La démarche sera prise en charge par l’Assurance-maladie.

Pour s’y retrouver, il faut bien faire la différence entre les deux procédés.

  • L’euthanasie est "l’acte destiné à mettre délibérément fin à la vie d’une personne atteinte d’une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu’elle juge insupportable", selon la définition du CCNE (Comité Consultatif national d’éthique). Elle est donc caractérisée par l’intervention d’un tiers, souvent un personnel du corps médical qui administre une substance létale par voie orale ou intraveineuse.

"En moins d’une minute, le patient s’endort sans aucune souffrance, et le décès survient deux à trois minutes plus tard", explique le médecin bruxellois Yves De Locht au Parisien. Avec les Pays-Bas, la Belgique a été le premier pays à autoriser l’euthanasie en 2002. Ils ont depuis été rejoints par la Colombie, le Luxembourg, le Canada, l’Australie, l’Espagne et le Portugal. Pour l’heure, l’euthanasie est interdite en France.

  • Lors d’un suicide assisté, la principale différence est la personne qui administre la substance létale : il s’agit du patient malade, qui s’auto-transmet la dose par voie orale ou intraveineuse, et non plus d’un médecin. Le médecin, lui, prescrit la substance en amont. Lors de l’acte, des soignants doivent être présents pour intervenir en cas de difficulté.

"Quand le patient choisit la voie orale, il peut y avoir des complications, des régurgitations ou autres, cela passe par les voies digestives et dure 4 ou 5 minutes., détaille Yves De Locht. C’est plus rare, on pratique beaucoup plus d’intraveineuses en Belgique".

La Belgique autorise donc également le suicide assisté, comme plusieurs États américains, certains pays d’Amérique latine comme l’Équateur et plusieurs pays européens, notamment la Suisse et l’Italie (qui a connu son premier cas il y a quatre mois) sous certaines conditions. Le suicide assisté est en revanche interdit en France.

Il existe une seule pratique autorisée en France depuis 2016 grâce à la loi "Claeys-Leonetti". Il s’agit de la "sédation profonde et continue" du malade, jusqu’à son décès, lorsque la maladie est incurable et le pronostic vital engagé à court terme.

Après une demande du patient ou une proposition médicale collégiale, et pour éviter l’acharnement thérapeutique, la personne est endormie définitivement par l’injection de midazolam. Les traitements sont arrêtés mais la toilette du malade, elle, perdure jusqu’à son décès.

"C’est une euthanasie qui ne veut pas dire son nom. On n’alimente plus, on n’hydrate plus, on arrête les soins. Cela peut durer plusieurs jours", affirme le médecin belge Yves de Locht au Parisien.

"Le problème, c’est qu’on ne sait rien de la sédation profonde. On n’a aucune statistique", regrette le Dr Jean Daquin, de l’association pour le Droit de Mourir dans la Dignité.

Ce lundi, les débats ont été ouverts par la ministre de la Santé Catherine Vautrin. Les auditions se poursuivront dans les prochains jours avec les associations, les psychologues, philosophes, sociologues, anciens ministres et parlementaires, comme Alain Claeys et Jean Leonetti, auteurs de la loi de 2016. Dès le 13 mai, la commission étudiera le texte et déposera les amendements.